Le jour où j’ai su que je serai autonome
Le jour où j’ai su que je serai autonome
Le thème de l’édition de février du festival “A la croisée des blogs” s’intitule : “Voici ce qui a le plus boosté mon propre cheminement”. Arnaud du blog Terres de repos nous en donne toutes les informations dans son article de présentation.
Personnellement, ce qui m’a toujours boosté dans la vie, c’est quand j’avais une complète connaissance de tous les éléments pour agir, ou quand je prenais conscience que j’étais capable de faire telle ou telle chose.
Je suis d’un tempérament fonceur, et j’adore me retrouver dans une situation où je suis en capacité de foncer vers mon objectif. Une situation où je ne vois aucun obstacle sur ma route et où tout ce que j’ai à faire pour atteindre mes buts m’apparaît clairement.
Pour prendre une métaphore : c’est l’autoroute devant moi et je n’ai qu’à appuyer sur la pédale d’accélérateur.
Après l’accident qui m’a rendu tétraplégique (paralysé des quatre membres), je suis resté deux ans dans un centre de rééducation qui était en même temps centre universitaire, ce qui me permettait de suivre des études.
J’avais un peu retrouvé le moral après une période nécessaire et difficile d’acceptation de mon handicap.
Mais, j’avais quand même une croyance tenace : je pensais que je ne pourrai jamais faire les gestes banals de la vie quotidienne tout seul.
C’est-à-dire, passer du lit au fauteuil, du fauteuil au lit, me laver, aller aux toilettes, m’habiller, monter dans une voiture, en descendre, plier mon fauteuil manuel, le hisser dans le véhicule, conduire un véhicule, pousser mon fauteuil dans une côte, etc…
Pourquoi le pensais-je ?
Parce qu’on me l’avait dit, parce que le personnel soignant, les médecins, les kinés, formatés par leur métier et leurs expériences professionnelles, m’avaient conforté dans cette croyance, parce qu’après avoir accepté le fait que je ne pourrai plus remarcher, je m’étais habitué à ce qu’on fasse tous ces gestes à ma place.
Et c’est là que j’ai reçu un formidable cadeau de la vie. Le centre de rééducation où je passais toute la semaine était une résidence composée de chambres individuelles et de chambres à deux ou trois lits. Au départ de mon séjour, j’occupais une chambre à deux lits. Alors que j’étais allongé, mon nouveau coturne (Celui qui partage la même chambre d’étudiants) entre dans la chambre en poussant son fauteuil, fait le tour de mon lit et s’assoit tranquillement sur le sien.
Tétra ou para ?
Tout d’un coup, très surpris, je lui dis : “mais, tu es tétra ?”
Tétra est le diminutif de tétraplégique. Parmi les blessés médullaires, il y a deux catégories : les tétras et les paras (pour paraplégiques). La plupart du temps, les paras, dont seules les jambes sont paralysées, sont autonomes. Ils peuvent faire tout, tous seuls, à la force des bras et des mains.
Quand j’ai vu apparaître mon coturne, j’ai d’abord cru qu’il était para. Il poussait son fauteuil avec aisance, il avait l’allure d’un para, et jusqu’à ce qu’il s’assoit facilement sur son lit, je n’avais pas remarqué qu’il ne bougeait pas ses doigts.
Après sa réponse affirmative, je lui demande :
– “Quel niveau ?” (niveau de la lésion de la moelle épinière déterminant le niveau de paralysie)
– “C6-C7” (6ème et 7ème cervicales)
– “Comme moi !”
Je me mets alors à lui poser tout une série de questions sur ses performances physiques : “Que sait-il faire tout seul ?”, “Est-ce qu’il arrive à prendre sa douche ?”, “Est-ce qu’il peut aller aux toilettes sans aide ?”, etc…
Et le garçon de me répondre “oui” à chaque fois.
Et moi de me dire : “il a le même niveau de lésion que moi et il fait tout ça tout seul, donc je peux le faire moi aussi.”
Un cadeau de la vie
Voila le cadeau que m’a fait la vie ce jour-là : en voyant ce jeune homme complètement autonome, j’ai pris conscience que je pouvais le devenir moi aussi.
Ma croyance limitante a été démolie d’un seul coup et remplacée par la croyance positive : je peux le faire.
Et à partir de ce jour, je n’ai eu de cesse d’y arriver, avec une volonté de fer.
Je m’entraînais tous les matins à enfiler mon pantalon tout seul, malgré certains soignants qui me disaient, pensant m’aider et que mes efforts étaient vains : “laisse, Jean, je vais le faire.”
J’allais en salle de kiné pour faire de la musculation. Aux beaux jours, je descendais au village en contrebas et remontais en fauteuil.
Je m’entraînais à monter sur mon lit depuis mon fauteuil, puis le contraire.
Une ergothérapeute, mes parents m’ont beaucoup soutenu en m’aidant à trouver des astuces, des techniques.
Tous ces efforts ne m’ont pas coûté, sinon du temps, car je savais qu’ils seraient payants.
En toute Autonomie
En partant du centre de rééducation, j’ai poursuivi mes études sur le campus de Grenoble où j’habitais en toute autonomie, une chambre universitaire.
L’histoire s’est répétée dans ma vie, où d’autres cadeaux ont boosté, d’une façon analogue, mon propre cheminement. Un déclencheur, puis l’évidence de l’autoroute devant moi et l’objectif en ligne de mire.
Et vous, avez-vous connu de tels déclencheurs
qui ont boosté votre chemin ?
Qu’en pensez-vous ?
Merci de laisser un commentaire.
Bonsoir Jean,
Je ne peux pas répondre à l’affirmative à ta question. Néanmoins, je salue ton courage et ta force de vivre. Ce n’est pas donné à tous ceux qui vivent ce que tu vis! Ce n’est même pas donné à tous ceux qui fonctionnent avec leurs quatre membres.
C’est un «dépassement de soi», comme je viens tout juste d’entendre l’expression à la télé dans une publicité entre deux compétitions de Jeux olympiques.
En parlant de Jeux olympiques, puisque nous sommes en plein dedans, il y a eu Alexandre Bilodeau, gagnant de la médaille d’or dans le ski acrobatique – bosses, qui a dit que son frère qui a la paralysie cérébrale a tellement de courage et de détermination et qu’il est son inspiration. Ça me tire les larmes à chaque fois qu’il parle de son frère qu’il admire tellement.
Bravo à toi, cher Jean, et à tous ceux qui ont une force de vive exceptionnelle malgré leurs différences physiques. Je vous salue tous bien bas.
Amicalement,
Sco!