Pouvez-vous  réussir seul ?

Cette question n’a pas vraiment de sens si on n’en a pas défini préalablement le contexte. C’est encore plus le cas avec la question plus générale « peut-on réussir seul ? »***.

D’ailleurs, la question en contient deux : la première, « peut-on réussir ? », et la deuxième, « si oui, est-ce que le fait d’être seul va empêcher, favoriser la réussite ou n’avoir aucun impact sur cette réussite ?».

Cette deuxième question en induit une troisième : « que signifie exactement être seul, et quand considère-t-on qu’on est seul ? »

Puis-je réussir seul ?

Si je me pose la question, « puis-je réussir seul ? »,  je sais déjà ce que j’entends par « réussir », je connais les critères de ma propre réussite, et les objectifs précis dont l’atteinte effective me fera dire que j’ai réussi.

La réussite est subjective

En effet, la réussite est complètement subjective. Avec exactement les mêmes objectifs, (vous voyez comme c’est amusant, l’aspect subjectif d’un objectif), deux personnes peuvent respectivement considéré, l’une, qu’elle a échoué, l’autre, qu’elle a réussi.

Et encore ce n’est pas si binaire que ça, ce n’est pas toujours soit l’échec, soit la réussite, ça peut être vaguement entre les deux, sans trop arriver à déterminer si c’est négatif ou positif.

De plus, cette appréciation peut varier non seulement d’une personne à l’autre, mais selon bien d’autres paramètres, tels que le moral ou la forme physique du moment, l’environnement professionnel, familial, le jugement des autres, etc…

Réussir quelque chose

Peut-être doit-on distinguer entre les formes transitive et intransitive du verbe réussir. C’est-à-dire entre « réussir quelque chose », et « réussir » tout court. Et considérer que la forme intransitive correspond à ce que l’on entend par « réussir sa vie ».
Si l’on retient la forme transitive, disons moins ambitieuse, moins globale, moins grande, de « réussir quelque chose », prenons comme exemple, “réussir un concours de piano”.

Réussir un concours de piano

Et regardons si l’on peut réussir seul. Je pense a priori que oui.
Un pianiste talentueux peut très bien faire ses gammes seul tous les jours pendant des mois, se concentrer sur ses partitions, les déchiffrer avec toutes les nuances imposées par le compositeur, travailler son interprétation. Décrocher ses téléphones, éteindre son ordinateur. Faire en parallèle du sport dans une salle pour entretenir sa forme physique. De la méditation, de l’autohypnose pour renforcer son mental. Je pense même sincèrement qu’il a besoin de cette solitude pour garder un état physique et psychologique optimal, et ne pas être perturbé par des pollutions extérieures.

Il jouait du piano tout seul

Si l’on y regarde de plus près, le pianiste va être seul pendant la préparation de son concours.

Pas si seul

Mais avant d’en arriver là, il a développé un apprentissage, depuis probablement sa tendre enfance. Il a du avoir des maîtres qui lui ont enseigné le solfège, la technique, l’histoire de la musique classique, les grands compositeurs et leurs morceaux célèbres. Avant même de fréquenter ses professeurs, il a bien fallu que quelqu’un l’encourage à jouer d’un instrument, puis peut-être quelqu’un d’autre, a remarqué qu’il était doué pour le piano et a encouragé ses parents à l’inscrire au conservatoire.
Si au final, il réussit son examen, on ne pourra pas dire, en fin de compte, qu’il a réussi seul. Parce qu’il est parti vers l’objectif de « réussir son concours », avec un gros bagage qu’il s’est forgé tout au long de sa vie, avec l’appui et l’aide des autres, même s’il a traversé des périodes de solitude.

L’avis de Luc Ferry

Le philosophe Luc Ferry, dans sa conférence « peut-on réussir seul ? » donnée à l’Ecole Militaire de Paris, le 13 octobre 2011, le dit très bien : « tout ce qui a été transmis par la nation, par les parents, par l’histoire de la culture, l’histoire des sciences, ne serait-ce que le langage lui-même, tout ça continue à parler en nous. Les autres, par conséquent, continuent à parler en nous, même quand nous sommes absolument dans la  solitude. Et, nous ne sommes jamais seuls. »

Papa, chante-moi La Tosca

Pour rester dans le domaine musical, mon père qui est très mélomane et connaît par cœur le répertoire lyrique, me disait qu’il n’éprouvait jamais le besoin d’écouter des CD d’opéra, parce qu’il a en permanence dans sa tête les airs de bravoure de Puccini, Rossini, Verdi, Bizet, et consorts. Sa grande culture l’accompagne, avec probablement dans son imagination, le chant, les émotions et les attitudes des personnages.  Comment peut-on être seul dans ces conditions ?

Robinson a réussi

Robinson Crusoé, lui-même, fort de sa culture, de son éducation, de ses connaissances acquises avant de se retrouver seul sur son île, n’était finalement pas si seul et a réussi à s’en sortir et à devenir riche.

Réussir

Considérons maintenant l’acception intransitive du terme « réussir ».
Tout ceci posé : le fait qu’on n’est jamais seul, et la relation étroite entre la réussite et le commerce de ses congénères, on peut aussi se demander s’il n’y a pas des avantages à multiplier les contacts pour réussir.

La qualité de ses relations

Et la réponse est évidemment « oui ». Non seulement, on ne peut réussir seul, mais encore plus on multiplie ses relations et la qualité de ses relations avec les autres, plus on a de chances de réussir.

Comment se faire des amis ?

Pourquoi le petit livre de Dale Carnegie « Comment se faire des amis. » est devenu un best-seller ?

C’est bien parce que l’auteur avait compris que les relations humaines sont à la base de toute réussite. Il y explique

  • comment attirer facilement et rapidement les autres,
  • comment se faire apprécier,
  • comment développer son influence et rallier autrui à son point de vue,
  • comment gérer les conflits,
  • comment motiver ses collaborateurs, etc.

Le livre aurait très bien pu avoir comme titre « Comment réussir.»

Devenir riche

D’ailleurs, comment se mesure la réussite ? Dans nos sociétés occidentales de consommation, c’est, le plus souvent à partir de critères généraux et admis par tout le monde, comme notamment le fait de gagner beaucoup d’argent et de devenir riche.
L’argent, paraît-il ne fait pas le bonheur, mais c’est bien la marque ostensible de la réussite.

Peut-on être heureux sans réussir ?

Alors, plutôt que la question « peut-on réussir seul ? » à laquelle je réponds définitivement « non », je vous poserai volontiers la question :

peut-on être heureux sans réussir ?”

ou encore

« peut-on réussir sans bonheur ? »

Qu’en pensez-vous ?

*** je réponds ici au thème du mois de janvier « peut-on réussir seul ? » du festival « à la croisée des blogs ». organisé par Michaël (voir son article de lancement)..